En 1890, l'Assistance publique décide d'édifier le premier sanatorium public français à destination des populations pauvres de Paris. Dans un contexte de lutte contre la tuberculose, - la « peste blanche » est au XIXe siècle la première cause de mortalité en France et en Europe -, les phtisiologues français cherchent des alternatives aux prises en charge des malades dans les hôpitaux de ville, qui accélèrent les contagions sans permettre la guérison. L'architecte Henri Belouet est missionné pour proposer, sur le modèle des établissements allemands qu'il étudie lors d'un voyage en 1892, un équipement en pleine nature permettant d'offrir aux malades une cure d'air, de soleil, de repos et de suralimentation. Le plateau d'Angicourt est sélectionné, car situé à une soixantaine de kilomètres au nord de la capitale et bénéficiant des ressources en eaux et de l'ensoleillement nécessaires. Construit entre 1894 et 1900, le sanatorium Villemin devient un laboratoire d'expériences aussi bien pour le programme architectural, pour l'organisation administrative, que pour les protocoles de soin. Dans les années qui suivent son inauguration le 26 octobre 1900, il fait l'objet de nombreux articles publiés dans les revues médicales spécialisées, échos des vifs débats que suscite en France cette nouvelle voie dans le traitement de la tuberculose pulmonaire. Bien documenté par ces publications, par des éditions de cartes postales mais également par un fonds d'archives conservé par l'AP-HP, le site angicourtois est un témoin précieux pour la compréhension de la fabrique du prototype du sanatorium en France, s'appropriant les innovations allemandes tout en les adaptant aux spécificités du système de santé publique national. Il établit ainsi le dispositif de pavillons des malades en U, ouverts au sud, avec une galerie de cure extérieure, sous marquise, adossée au rez-de-chaussée dédié aux espaces collectifs, et des chambres et sanitaires aux étages, desservis par un couloir côté nord. Les malades bénéficiaient ainsi d'un lieu de repos à l'abris des vents, avec un ensoleillement maximum. Les nombreux bâtiments de service (administration, réfectoire, cuisine, salle des machines, buanderie, château d'eau morgue, remises et écuries) ainsi que les logements des personnels sont implantés, selon un plan ordonnancé, à l'écart des pavillons des malades, pour des raisons évidentes d'hygiène, mais aussi afin que leurs activités ne viennent troubler la quiétude des patients. Enfin, un grand parc arboré permet aux malades de pratiquer différentes activités physiques (promenades, jardinage, jeux), dont a durée et l'intensité est déterminée par leur état de santé. Le sanatorium Villemin est également un lieu de recherche - fondamentale et appliquée - sur le traitement de la tuberculose, menée par les médecins en chef successifs. Les examens et soins proposés aux phtisiques évoluent au fil des découvertes, avec entre autres l'installation par le docteur Georges Küss d'un pneumothorax artificiel. La réalisation du sanatorium Villemin inaugure ainsi la première phase de construction d'une série de sanatoriums, privés et publics, dans les premières années du XXe siècle, qui tireront les leçons des difficultés rencontrées à Angicourt et contribueront ainsi à l'évolution de ces établissements hospitaliers singuliers. Le plan initial de Belouet, comportant deux pavillons de malades - un pour chaque sexe -, n'est édifié que partiellement en 1900, faute de moyens financiers. Après la Première Guerre mondiale est décidée la construction du deuxième pavillon, nommé Varenne, permettant en 1928 de doubler le nombre de lits disponibles. Cette deuxième phase témoigne de la nouvelle politique nationale volontariste en faveur de la lutte contre la tuberculose, qui conduit à la construction ou à l'agrandissement de nombreux équipements de cure sanatoriale tout au long des années 1920 et 1930. L'architecte Louis Masson respecte le plan d'origine, en conformant toutefois le parti pris architectural aux goûts de son époque : il propose une élévation en briques bi-chromes et béton, qui se démarque de la sobriété classique teintée de régionalisme du premier pavillon Letulle. Si le sanatorium Villemin ne se distingue pas par une architecture exceptionnelle ou spectaculaire, il n'en reste pas moins que l'ordonnancement du plan d'ensemble, la cohérence de tous les éléments bâtis, la monumentalité et l'élégance des deux paillons ouverts sur le grand paysage angicourtois, le soin apporté aux détails des architectures ainsi que les qualité et modernité des installations techniques sont encore saisissants de nos jours, malgré l'abandon des lieux depuis plus de vingt ans. Si le site a connu des évolutions, notamment à partir des années 1960 et sa transformation en centre pour personnes âgées, celles-ci ont surtout consisté en l'adjonctions de nouveaux bâtiments de service. Ainsi, les édifices historiques des années 1900 puis 1920 n'ont pas connu de transformations notables, que ce soit dans leur aspect extérieur ou dans leur distribution intérieure. Bien que très ruinés, les bâtiments d'origine restent ainsi lisibles.