Dans la forêt d'Halatte, au pied du mont Alta, Anne de Montmorency possède deux bois, le bois de la Livrée (au nord) et le bois de Fosses (au sud), transmis par son père Guillaume de Montmorency qui les avaient achetés en 1496. Le chapitre Saint-Rieul de Senlis est quant à lui propriétaire du bois de la borne-Morel, qui se situe entre les deux bois du connétable. Le bornage de ces trois parcelles forestières, en 1540, marque les débuts du bornage armoriée en forêt de Halatte. 60 édicules - 57 sont toujours conservés in situ - sont plantés tous les 30 à 100 mètres, sur les talus de délimitations des parcelles forestières. En calcaire blanc, ils mesurent 0,80 mètres de haut en moyenne et sont généralement plus étroit dans leur partie haute lorsque celle-ci est arrondie. Les bornes possèdent d'une à quatre faces, chacune d'entre elles portant le blason gravé du propriétaire concerné - le roi de France, des établissements religieux et des seigneurs et familles laïcs -, indiquant ainsi le partage de propriété. La qualité de ces gravures est inégale et un même dessin peut connaître des modulations d'une borne à une autre, ce qui laisse supposer que plusieurs mains y ont travaillé avec différentes méthodes de copie de modèles. La valeur mémorielle du bornage est celle de l'acquisition, à la fin du XVe siècle, des bois de la Livrée et de Fosses par la famille de Montmorency. Anne de Montmorency est un grand personnage de la Renaissance française et européenne et une figure incontournable dans le sud de l'Oise au XVIe siècle. Si ses acquisitions, restaurations et constructions de châteaux sont bien connues, la commande du bornage des deux bois de la forêt d'Halatte met en lumière l'étendue de ses possessions forestières et l'importance qu'il leur accorde. En effet, le connétable fait des forêts de Chantilly et d'Halatte, au cœur d'un domaine royal et proche de son château de Chantilly, un enjeu stratégique pour assoir sa fortune, son pouvoir et son influence. Il est à noter qu'aucune borne aux armoiries d'Anne de Montmorency n'est à ce jour protégée au titre des monuments historiques, malgré les campagnes de grande ampleur de bornage qu'il a effectué sur ses terres. D'un point de vue historique, le bornage du connétable (bois de la Livrée et de Fosses) et du chapitre Saint-Rieul de Senlis (bois de la borne-Morel) marque en 1540 les débuts du bornage armorié dans le massif des Trois forêts, qui sera systématisé et réglementé, à l'échelle nationale, aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il est à ce titre un témoin rare et intéressant de la politique de gestion foncière de parcelles forestières de la Couronne, des seigneurs et familles laïcs et des établissements religieux au Moyen Âge puis à la Renaissance, des luttes d'influences qui la sous-tend, mais aussi de l'administration et de la protection des forêts. Bien que les auteurs des armoiries gravées ne soient pas connus, la valeur artistique de ces dernières est notable. Le nombre important de blasons - dix différents (connétable Anne de Montmorency, Roi de France, chapitre Saint-Rieul de Senlis, évêché de Senlis, abbaye Saint-Vincent de Senlis, prieuré Saint-Maurice de Senlis, commanderie de Laigneville, fabrique Saint-Gervais d'Aumont, famille de Romain et Nicolas Morel) - sur seulement 55 bornes est tout à fait inédit. La diversité des formes des bornes et des qualités des gravures laisse à penser que plusieurs ateliers de tailleurs et de sculpteurs ont présidé à leur exécution, avec des techniques de copie de modèles plus ou moins perfectionnées. Cet ensemble est représentatif de la diversité des acteurs de la taille de pierre au milieu du XVIe siècle, des ouvriers des petites carrières de pierre aux artisans du connétable. La qualité artistique de certains blasons est remarquable, renforcé par leur état de conservation exceptionnel.