28-48 avenue Eglé
Siècle : 20e siècle
Description
"Edouard Albert et la maison préfabriquée C’est dans le contexte de crise du logement de l’après Seconde Guerre mondiale, où se conjuguent les dommages de guerre, l’exode rural, l’essor démographique, la pénurie de main d’œuvre et de matériaux, ainsi que les problèmes d’insalubrité, qu’Edouard Albert réfléchit à la question des maisons préfabriquées dès la fin des années 1940. Il se situe en cela dans la continuité de réflexions antérieures, menées notamment au CIAM de 1930 sur « l’habitat minimum ». En février 1947, il dépose un brevet pour « la construction de maisons légères et en particulier de maisons dites préfabriquées2 » puis élabore un premier prototype lorsqu’il conçoit des bureaux pour la société Fakler et Adam à Montreuil en 1947-1948. Le petit bâtiment à deux niveaux au plan libre possède une structure faite d’éléments en métal, bois, papier kraft et matières plastiques préfabriqués industriellement. Il y dispose les bureaux en diagonale par rapport au plan pour apporter une impression d’espace, idée qu’il reprendra dans ses projets ultérieurs. L’architecte désigne lui-même ce projet comme « une maison préfabriquée, à deux niveaux 3 », envisagée comme le début d’une possible production en série. Il conçoit ensuite une maison préfabriquée à proprement parler pour la société Philhome Inc. en 19481949, inspirée de l’industrie aéronautique et dénommée Bungalow 55. Cette habitation de 55 m² de plain-pied, au plan libre, comporte des cloisons en diagonales devant permettre un gain d’habitabilité la rendant comparable à un espace de 75 m². La maison est par ailleurs très légère, produite en usine, facilement transportable, montable sans fondations par deux personnes en 48 heures, équipée et habitable immédiatement. La production en série n’a cependant pas été mise en œuvre, et une seule réalisation a pu être repérée bien que non localisée avec précision, à Eaubonne, vers 1949-1950. Il élabore également un projet très proche en 1949, la maison APTA, qui peut faire l’objet d’extensions à partir d’une « cellule mère », base « d’une construction plus importante obtenue par assemblage sur cette cellule d’autres cellules annexes », tel que décrit dans le brevet de 1947. Une maison moderne dont l’ambiance se veut néanmoins traditionnelle et rassurante, mais qui reste à l’état de projet. Les maisons Minimax Pour répondre aux besoins induits par la Reconstruction, E. Albert s’attèle ensuite à un projet qui doit être davantage susceptible d’être mis en œuvre. La maison Minimax indique dans son nom son ambition : un minimum d’espace et d’investissement doit permettre le maximum de confort et de praticité. Le parti est pris d’une structure plus économique et plus simple, comportant une structure en bois contreplaqué préfabriquée et des murs pignons maçonnés sur des fondations. Ce projet est lauréat du concours organisé par le Centre technique du bois en 19524, année de sa création par la fusion de deux entités préexistantes. Pour le mettre en œuvre et le commercialiser, il s’associe en 1954 (année marquée par l’appel de l’abbé Pierre) avec les Etablissements Lécorché Frères, spécialisés dans la construction de bâtiments en bois, principalement de maisons de plain-pied, ce qui est le cas ici. L’architecte d’exécution peut ne pas être Edouard Albert, mais celui-ci perçoit des droits d’auteur. Si la pierre constitue une note traditionnelle, d’autres éléments sont plus innovants. La maison, tout en pouvant être construite seule, est conçue comme s’insérant dans une bande de plusieurs unités. La toiture, dite en « papillon », possède deux pans asymétriques dirigés vers un chéneau central, permettant d’ouvrir l’espace et de prodiguer un meilleur ensoleillement l’hiver, tout en comportant un léger auvent qui protège du soleil l’été. La hauteur des pans est légèrement décalée, ce qui permet d’aménager une mince ouverture horizontale au centre de la maison, apportant lumière et ventilation. La hauteur sous plafond est plus importante dans les espaces de vie (séjour, chambres) et plus basse au niveau de la cuisine centrale et des toilettes. Les façades sont dessinées selon une stricte géométrie, sans ornement, où prime le rythme de l’alternance des panneaux pleins et des surfaces vitrées, ainsi que de la couleur. Les maisons individuelles, familiales, constituent des F3, 4 ou 5, de 44 à 100 m² parfois avec un garage. A l’intérieur, l’architecte dispose une cloison diagonale, légèrement courbée à ses extrémités, entre les deux chambres pour offrir une perspective plus avantageuse, une sensation d’espace, tout en cachant le lit lorsque la porte reste ouverte. La maison est livrée équipée d’une cuisine, de sanitaires, d’un chauffe-eau, de son installation électrique et de ses peintures. Les clients peuvent même demander à ce que le mobilier soit inclus ; celui-ci n’est pas dessiné par l’architecte, qui fait appel aux décorateurs René-Jean Caillette et Geneviève Dangles qui conçoivent des meubles produits en série. Un F3 de 44 m² est commercialisé à 950 000 francs et un F4 de 55 m² à 1 125 000 francs, des tarifs compétitifs sur le marché des maisons dites économiques. Par ailleurs, les maisons Minimax sont éligibles aux dispositifs de crédits aidés par l’Etat dans le cadre du plan Courant voté en 1953. Edouard Albert présente son projet à l’Exposition de l’habitation dépendant du Salon des Arts ménagers qui se tient sur l’esplanade des Invalides à Paris du 25 février au 21 mars 1954, où douze autres maisons sont présentées. Leur prix ne doit pas excéder un certain plafond fixé par la loi Courant. La maison Minimax standard comporte cinq travées (une porte, deux fenêtres, deux panneaux pleins), et le modèle exposé en comporte six avec un seul mur pignon maçonné afin de montrer qu’une extension est possible pour former une bande de maisons. L’architecte propose ainsi une maison moderne, fonctionnelle et confortable qui renouvelle l’esthétique de la maison traditionnelle et permet de constituer des lotissements à un prix relativement abordable. La maison Minimax obtient une certaine visibilité grâce à des publications dans des revues spécialisées telles que Techniques et architecture, Le Bâtiment ou Meubles et décors, et dans des titres généralistes comme Le Monde ou Le Pèlerin ; André Malraux fait notamment parti des visiteurs, quelques années avant qu’il ne devienne ministre, et avec qui E. Albert noue alors une relation qui comptera dans le reste de sa carrière. Le succès n’est cependant pas au rendez-vous, ne permettant pas une production en série. On compte toutefois deux mises en œuvre, à Maisons-Laffitte et Verneuil-sur-Seine, dans les Yvelines. Le lotissement du Club du parc à Maisons-Laffitte Le lotissement de Maisons-Laffitte est le résultat d’une opération immobilière portée par l’Association des sociétés immobilières de construction (ASIC). Les premiers logements, qualifiés de « cottages » sur le supports publicitaires, sont vendus sur plan en 1955 dans la salle des pas perdus de la gare Saint – Lazare, et les dernières maisons le sont en 1957. L’ensemble du lotissement, regroupant 60 logements répartis dans 11 bandes de maisons, est construit très rapidement entre juin et décembre 1956, au cœur du parc de Maisons-Laffitte qui offre un cadre privilégié. La parcelle investie est triangulaire, et seuls 23 % de ses 2 hectares sont lotis, laissant beaucoup de place à la verdure. Elle se situe en site inscrit depuis 2000 et dans le périmètre de protection de plusieurs monuments historiques. Le lotissement y remplace la villa dite Lorina, qui fut la propriété du ministre et bref président du Conseil Frédéric-François Marsal entre 1920 et 1942, et qui avait été transformée en blanchisserie. La construction du lotissement a été soumise au cahier des charges en vigueur dans la cité-jardin depuis sa création en 1834, imposant notamment une distance entre le muret d’enceinte et le bâti. Les maisons bénéficient d’un espace boisé collectif, géré en copropriété, et des jardins privatifs disposés devant et derrière chaque unité d’habitation, délimités par des clôtures basses. La disposition et les longueurs différentes des bandes ménagent des espaces, des circulations, des perspectives qui invitent à la promenade ou à la rencontre, sans imposer de vis-à-vis. Le stationnement des véhicules est prévu à la périphérie du lotissement. Les logements vont du T3 au T5. Les maisons de Verneuil-sur-Seine S’il existe un projet non daté de grande ampleur pour un lotissement qui aurait été situé à Milly-la – Forêt (mais dont les maisons ne sont pas en bandes), les deux seules autres maisons Minimax connues se trouvent à Verneuil-sur-Seine, réalisées quelques années avant celles de Maisons-Laffitte. L’une semble être celle exposée en 1954 sur l’esplanade des Invalides, remontée rue du Maupas une fois l’exposition terminée. Elle est complétée par une seconde la même année, néanmoins ces deux opérations connaissent retard et malfaçons qui aboutissent à une plainte déposée par l’un des acquéreurs. Cette première opération est ainsi une étape difficile à franchir pour l’architecte, dont le concept n’aura été pleinement mis en œuvre qu’à Maisons-Laffitte. Par ailleurs, les deux maisons de Verneuil-sur-Seine ont été très modifiées au fil du temps."