"Place du Château ; quai Lenoir ; quai Joffre ; rue Louis-Blanc ; place Saint-Louis ; rue Gambetta ; avenue Maréchal-Leclerc ; place du Général-Charles-De-Gaulle ; rue du Bordeau ; rue de Tlemcen ; rue Victor-Hugo ; rue Albert-Marchand ; rue Thiers ; rue Anne-de-Beaujeu ; rue de l’Hôtel-de-Ville ; rue Bernard-Palissy ; quai de Sully ; place Maréchal-Foch ; rue de Bourges"
Siècle : 20e siècle
Description
Comme toutes les « villes-ponts » permettant le franchissement de la Loire, Gien est durement touchée et à plusieurs reprises par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale : frappée par l’aviation allemande entre le 15 et le 18 juin 1940 (centre historique entre la Loire et le château et faubourg ouvrier du Berry de l’autre côté du fleuve) – la ville est déclarée sinistrée dès le 26 juillet 1940 –, puis à nouveau en mai 1944 (quartier de la gare), elle est encore éprouvée par les raids des alliés le 6 juillet 1944 (pont, centre et faubourg). À la Libération, ce ne sont pas moins de 422 immeubles qui sont déclarés totalement détruits et 921 partiellement endommagés. Dès l’été 1940, le Loiret est parmi les premiers départements à lancer les projets de reconstruction de ses « villes martyres ». Il s’agit en effet pour le nouveau régime tout à la fois de rétablir rapidement les circulations vers le sud de la Loire – notamment des troupes en replis et des réfugiés –, de manifester son soutien aux sinistrés, de donner du travail aux populations urbaines désœuvrées, et de mettre en pratique ses idées en matière d’urbanisme et d’architecture. Gien sera l’un de ces chantiers expérimentaux lancés par un préfet particulièrement sensible à la question, Jacques Morane, ingénieur des Ponts et Chaussées et ancien membre de la commission d’Aménagement de la Région parisienne, qui souhaite alors mettre ses compétences au service d’un département sinistré. Dès son arrivée, il réorganise le service départemental d’Architecture, s’entourant d’hommes de l’art qu’il a eu l’occasion de rencontrer à Paris à la commission d’Aménagement, ou alors qu’il était directeur-adjoint de l’Exposition internationale de 1937. Ainsi un architecte-urbaniste en chef, Jean Royer (1903-1981), formé à l’École spéciale d’Architecture et à l’École des Hautes Études urbaines, ancien adjoint d’Henri Prost (1874-1959) à Paris, est-il chargé d’établir les lignes directrices de la reconstruction, notamment pour ce qui est de repenser les trames urbaines, tandis qu’en matière d’architecture, l’adaptation des préconisations départementales aux spécificités de chaque ville est confiée à un architecte dit « d’ensembles », en amont des chantiers de reconstruction effective qui seront, le moment venu, distribués entre les architectes d’opération. Dans ce contexte, Gien est placée sous la responsabilité d’André Laborie (1899-1979) nommé dès août 1940 et qui dispose d’un délai de trois mois pour livrer un premier plan d’aménagement (avec rectification du réseau viaire, redéfinition des îlots et remembrement parcellaire), lequel est validé par le conseil municipal le 27 octobre, soumis à enquête publique du 5 au 9 novembre, transmis au préfet dans sa version définitive le 23 novembre et finalement adressé au Commissariat technique à la Reconstruction le 2 décembre. Le plan reçoit quelques mois plus tard l’approbation ministérielle par arrêté en date du 4 août 1941. Dès le 15 septembre 1941, le règlement de voirie, le programme des servitudes et le règlement sanitaire sont établis, ainsi qu’un avant-projet pour un nouveau réseau d’égouts. Pour l’heure, sur fond de pénurie de matériaux, il ne s’agit pas encore de lancer les opérations de reconstruction mais de les préparer tout en faisant face à l’urgence du relogement et de l’approvisionnement. Immédiatement commencés à l’été 1940, les travaux de déblaiements des 7 000 m³ de gravats produits par les premiers bombardements se poursuivent jusqu’à l’été 1942 tandis que sont progressivement aménagés, sous la supervision d’un « service des Constructions provisoires », les baraquements destinés à accueillir temporairement les petits commerces détruits du centre-ville, des habitations pour les sinistrés, ainsi qu’un lieu de culte puisque les églises Saint-Pierre et Saint-Louis sont en ruine. Créée par arrêté du 24 décembre 1941 du commissaire à la Reconstruction, une « association syndicale de Remembrement de Gien » s’occupe parallèlement de mettre d’accord les habitants sur les contours des nouvelles parcelles qui doivent leur être attribuées selon le plan général de Laborie et en fonction des superficies et caractéristiques de leurs anciennes propriétés. Enfin, conformément à la politique mise en place par le régime de Vichy de parrainage de communes sinistrées par des communes non touchées, Gien obtient en août 1942 le soutien financier de la ville de Nice, qui débloque des fonds dès 1943. Avec les nouvelles vagues de destructions de 1944, une partie de l’ouvrage doit être remis sur le métier. De nouvelles opérations de déblaiement – elles seront menées jusqu’en 1946 – et un ajustement du plan directeur sont nécessaires. Maintenu dans ses fonctions d’architecte-urbaniste de la reconstruction de Gien après la Libération, Laborie revoit son projet, finalement adopté le 10 novembre 1945 par le conseil municipal et approuvé dès le 15 par la nouvelle autorité préfectorale qui le déclare d’utilité publique. La ville y est divisée en 28 îlots répartis dans quatre zones d’intervention (zone pittoresque et historique, zone d’habitation de résidence artisanale, zone de grande résidence, zone d’habitations ouvrières ou rurales) caractérisée par des servitudes esthétiques de moins en moins contraignantes à mesure que l’on s’éloigne du centre touristique. Gien devient également en juillet 1945 la filleule d’une seconde ville, Tlemcen en Algérie, qui décide elle aussi de participer financièrement à la reconstruction de la commune loirétaine. C’est donc seulement à la fin de l’année 1946 que peuvent être réellement commencés les travaux de reconstruction effective des bâtiments, inaugurés avec le chantier de la nouvelle place du Pont (actuelle place Leclerc) et des immeubles de l’îlot 14. Fin 1948, les aménagements intérieurs sont terminés de sorte que les premiers occupants investissent les lieux en janvier 1949. L’inauguration officielle de l’îlot et de deux rues parmi les voies nouvelles – dont la dénomination (rue de Tlemcen et quai Joffre/quai de Nice) rend explicitement hommage à la générosité des villes marraines de Gien – intervient le 30 juillet 1950, en présence du ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, Eugène Claudius-Petit (1907-1989). Menés parallèlement, les travaux de l’îlot suivant (îlot 13), préparés dès 1947 (fondations), commencent à l’été 1948 – de même que l’aménagement de l’escalier d’accès au château (les Degrés) et des terrasses – et sont achevés en 1951. On s’attelle également à redonner un lieu de culte à la ville. Si décision est prise de ne pas rebâtir l’église Saint-Louis, la reconstruction de l’église Saint-Pierre, dont le clocher est classé, est confiée à l’architecte en chef des Monuments historiques alors en poste depuis 1943, Paul Gélis (1885-1975). Les travaux sont réalisés entre 1950 et 1954, tandis que l’aménagement intérieur se poursuit jusqu’à la fin des années 1950. Consacrée à Sainte-Jeanne-d’Arc, la nouvelle église est inaugurée le 28 mars 1954. La construction de l’orgue par la maison alsacienne Roethinger est peut-être due aux contacts noués en Alsace par l’architecte Gélis. Pendant ce temps, la reconstruction de la ville se poursuit, îlot après îlot, jusqu’au 14 juin 1962, date officielle d’achèvement des travaux symboliquement marquée par la dissolution de l’Association syndicale de Reconstruction de Gien.