96 chaussée de l'Hôtel de Ville
Siècle : 20e siècle
Description
Construite entre 1970 et 1983 dans le cadre de la mise en place de nouvelles politiques nationales d’aménagement du territoire et de maîtrise de la croissance urbaine, Villeneuve-d’Ascq est une des neuf « villes nouvelles » créées depuis la fin des années 1960 en France. Motivée entre autres par la nécessité de faire face à une nette croissance de la population depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (dans le Nord-Pas-de-Calais, cette croissance est même supérieure à la moyenne nationale), la création de cette nouvelle génération d’espaces urbains doit permettre de pallier à l’insuffisance et à la vétusté des logements en des points stratégiques du territoire. Plus que d’apporter des réponses épisodiques à des besoins ponctuels, il s’agit de répondre au défi démographique et territorial en portant sur ses multiples enjeux un regard global et pluridisciplinaire et ce, dans un réel souci de planification. C’est ce qu’introduit succinctement mais avec aplomb la formule : « construire des logements ne suffit plus : il faut construire des villes » (cité dans : Ville nouvelle, ville plurielle, p. 14). Dans cette optique, cinq villes nouvelles voient le jour en région parisienne et quatre en province – dont Villeneuve-d’Ascq. La création de Villeneuve-d’Ascq suit plusieurs étapes. À partir de la fin des années 1960, la prise en compte de l’est lillois dans le cadre du schéma d’aménagement régional élaboré par Gérard Deldique en 1965 – consécutivement à la crise industrielle et sociale touchant le bassin textile et minier du Nord-Pas-de-Calais – constitue l’une des grandes phases de cette genèse. L’axe métropolitain imaginé par l’architecte-urbaniste ouvre la voie au projet résumé par la formule « donner une ville à l’université » : il s’agit d’englober la cité scientifique, déjà en partie construite à la fin des années 1950 dans le sud-ouest de l’actuelle agglomération villeneuvoise, dans un projet urbain comprenant logements et équipements. Le 6 février 1967, année de la création des directions départementales de l’équipement (dont le directeur, pour le département du Nord, est Edgard Pisani), un comité interministériel pour l’aménagement du territoire met en route le projet Lille-Est. Nouvelle étape dans la création de la ville nouvelle, les trois communes d’Ascq, Flers et Annappes fusionnent le 25 février 1970. Des années plus tard, la construction de l’ensemble littéraire et juridique (université Lille 3, 1971-1974) du Pont-de-Bois imaginé par Pierre Vago et André Lys complète la partie scientifique de ce vaste chantier urbain. A la suite de vives tensions avec les habitants des communes fusionnées, provoquées par la faiblesse du premier cadre juridique du projet, un décret du Conseil d’Etat promulgué le 11 avril 1969 crée l’Etablissement public d’aménagement de Lille-Est (EPALE). Financé par la communauté urbaine de Lille (CUDL, créée en décembre 1967) et par le département du Nord, cet établissement public spécialement chargé de l’aménagement de Lille-Est doit assurer la coordination des actions de tous les responsables de l’aménagement urbain (achats de terrains, planification, maîtrise d’ouvrage, etc.). Quartier par quartier et secteur par secteur, la maîtrise d’œuvre des divers projets de construction d’édifices et équipements est confiée à des équipes pluridisciplinaires (composées non seulement d’architectes et d’urbanistes, mais également d’ingénieurs, de juristes, économistes et sociologues, etc.). L’EPALE en assure la maîtrise d’ouvrage, garantissant l’équilibre typologique des réalisations qui jalonnent le développement urbain de Villeneuve-d’Ascq. De l’immeuble de logement au stade, en passant par les équipements scolaires ou culturels, les ensembles universitaires ou les églises, de nombreux édifices sont construits entre 1970 et 1983. Le projet de construction de la médiathèque Till-l’Espiègle, voit le jour à la fin de la période. Villeneuve-d’Ascq adopte le langage propre aux villes nouvelles : séparation des différents types de flux de circulation, urbanisme sur dalle ou volonté de créer de l’animation autour de projets d’espaces publics. Son développement en une « fédération de quartiers » lui donne cependant un caractère labyrinthique et organique, inattendu dans un type d’urbanisme fréquemment considéré, à tort, comme ultra rationnel. Comme toutes les villes nouvelles mais de façon sans doute plus prononcée, Villeneuve-d’Ascq se distingue en outre par la faiblesse – relative – de sa densité moyenne et par l’étendue importante de ses espaces verts. Figurant au nombre des aménagements paysagers et végétalisés de la ville, le Forum-Vert créé en 1978 par l’architecte P. Canivez constitue un des points forts du secteur du quartier de l’Hôtel-de-ville, dont il constitue le poumon vert tout en formant un arrière-plan végétal aux bâtiments environnants dont l’hôtel de ville (Philippe Lepère, 1976), le théâtre La Rose-des-Vents (Bernard Bougeault, 1976 et extension par G. Zeller, 1989) et la médiathèque Till-l’Espiègle. Celle-ci, avec le théâtre sur lequel elle s’adosse, s’inscrit dans une programmation plus large visant à faire fleurir, dans cette seconde période d’aménagement, une offre culturelle solide. Elle comprend notamment la création du musée d’art moderne (le LAM) de Roland Simounet, inauguré en 1978 (quartier Héron). Elle est complétée plus d’une décennie plus tard, par le Forum des sciences (Jean-Claude Burdèse, 1996). Les architectes de la médiathèque, Martine et Philippe Deslandes, signent également à Villeneuve-d’Ascq trois édifices scolaires : l’école Frédéric-Chopin (1977), le collège du Triolo (1978) et le groupe scolaire Paul-Verlaine (1981). Rompus à l’élaboration d’équipements dans des villes nouvelles (Cergy-Pontoise, Saint-Quentin-en-Yvelines), ils sont retenus au terme du concours pour la construction d’une médiathèque, lancé en juillet 1979, par la commission des marchés de l’EPALE – maître d’ouvrage délégué en vertu de la convention du 28 avril 1978. Complétée par le bibliothécaire M. Mayeur, la maîtrise d’ouvrage se réunit régulièrement, notamment à la Direction du livre, pour établir les points importants et régler les détails du programme, dont les enjeux dépassent le strict cadre culturel. La demande de permis de construire, formulée en février 1980, se concrétise par la délivrance de l’arrêté autorisant les travaux, le 26 juin 1980. Suite au concours organisé en 1984 pour la réalisation du 1 % artistique, Dominic Grisor réalise l’œuvre intitulée « Signes majeurs », installation in situ en bois peint (aujourd’hui démontée), conçue en applique et dont les symboles cunéiformes rappellent la première forme d’écriture codée sans illustration. La médiathèque ouvre au public en 1984 sous le nom de Till-l’Espiègle (personnage de fiction connu pour ses facéties), tandis que le chantier se termine officiellement en 1985. Considérée comme une réussite architecturale et un équipement novateur « excluant ostentation et monumentalité » au profit de l’ouverture, la médiathèque vaut à ses architectes le prix « métal terre et création », décerné par l’Institut français de l’architecture en 1989.