Abbévillers (25310)

Dans le village alors profondément rural et protestant d'Abbévillers, le conseil municipal décide dès 1919 l'érection d'un monument pour commémorer les 18 habitants morts durant la Grande guerre. Il doit être placé sur la façade de la mairie, encastré dans la porte du milieu. L'édifice a été inauguré peu de temps auparavant : la mairie-école est reconstruite en 1877-1901 par l'architecte de Montbéliard Jean Frédéric Jules Fallot (1840-1882). L'institutrice de la commune, Julie Vergon, est la cousine germaine d'Armand Bloch. C'est peut-être par elle que le choix de la commune s'est porté à la fois sur ce sculpteur mais aussi sur cet emplacement. La commune choisit Armand Bloch (1866-1933) pour son projet, dont le devis s'élève à 11 700 francs. Le contrat est signé le 14 février 1920. Statuaire né à Montbéliard (Doubs) dans une famille de sculpteurs spécialisés dans les monuments funéraires, Bloch part à Paris en 1882 dans l'atelier du sculpteur Alexandre Falguière afin de préparer le concours d'entrée de l'École des beaux-arts. Il échoue et semble cesser sa formation vers 1885. Il reçoit néanmoins de nombreuses commandes exécutées dans son atelier parisien, provenant le plus souvent de personnalités franc-comtoises issues des réseaux qu'il entretient largement (Les Gaudes, La Gairi, etc.). Il expose régulièrement aux Salons où il reçoit des médailles et dans les expositions nationales et internationales. Auteur de nombreux monuments et bustes, en bois ou en pierre, il est largement sollicité par les communes autour de Montbéliard après la Grande guerre : 11 monuments commémoratifs sont réalisés entre 1919 et 1924 (Abbévillers, Audincourt, Beaucourt, Courtefontaine, Hérimoncourt, Mandeure, Montbéliard, Roppe, Saint-Hippolyte, Seloncourt, et le monument au Caporal Peugeot, Joncherey (détruit). Le monument est achevé et inauguré en 1921.

Il s'agit d'un moyen-relief en marbre blanc de format cintré adapté à l'arc qui l'accueille. Les armoiries de la ville surmonte une figure sur la gauche, une jeune fille habillée en paysanne tenant dans la main droite une branche de laurier et dans la main gauche un étendard sur lequel sont portés les noms des soldats morts au combat. Au sol, une gerbe de blé et une charrue rappellent la vocation agricole de la commune. Cette figure emblématique de la Montbéliarde luthérienne, appelée la « diaichotte » (vêtue d'un fichu noué autour du cou appelé le diairi et typique de Montbéliard, chemise à manches larges, tablier) est peut-être le portrait d'Elisabeth Vergon (1900-1993), peintre née à Abbevillers, fille de l'institutrice de la commune. Formée à partir de 1920, à l'École des arts décoratifs de Paris, Elisabeth Vergon y fréquente souvent Armand Bloch qu'elle considère comme son maître et dont on sait qu'il exécuta au moins un portrait en bas-relief.